Face à la clinique neuropsychiatrique Notre-Dame des Anges, sur les hauteurs de Liège, s’étend un vaste terrain, le Pré des Maclottes. Au fil des ans, il est devenu un précieux outil qui aide à briser l’isolement dont souffrent de nombreux (ex-)patients avec des troubles psychiques. Et la crise du COVID-19 lui a encore donné une dimension nouvelle. Le projet bénéfice du soutien financier du Fonds pour des Soins solidaires créé par la Fondation Roi Baudouin au plus fort de la crise.

“La crise du COVID-19 nous a fait prendre conscience que le Pré des Maclottes peut être utilisé comme outil thérapeutique dans les soins de première ligne.”

Martin Joassart, directeur général de l’hôpital Notre-Dame des Anges

“Pour un hôpital psychiatrique comme le nôtre, il est essentiel de s’ouvrir à la société”, affirme Jean-François Pinchard, directeur paramédical de la clinique neuropsychiatrique Notre-Dame des Anges. “On arrive à bien stabiliser la plupart des pathologies à l’hôpital, mais tout l’enjeu est ‘l’après’ : comment le patient peut-il se reconstruire dans son milieu de vie, souvent dégradé par la maladie ? Il faut éviter qu’à la sortie de l’hôpital, il se retrouve livré à lui-même, dans un vide affectif et relationnel.”

Or, il se fait qu’un espace vert inoccupé, le Pré des Maclottes, s’étend de l’autre côté de la rue. Une situation idéale pour en faire un ‘espace tampon’ entre l’hôpital et la ‘vraie vie’. Il y a une quinzaine d’années, la clinique s’est adressée à la Ville de Liège, propriétaire du terrain, pour l’utiliser dans le cadre de son travail de réhabilitation. C’est devenu un site multifonctions, géré par une asbl liée à l’hôpital mais indépendante : “On y a aménagé un vaste potager, des terrains de sport et un sentier de promenade. Des élèves d’une école professionnelle sont venus y construire un petit chalet convivial dans le cadre d’un projet pédagogique, nous y avons implanté un bâtiment préfabriqué dont l’hôpital ne se servait plus”. Du personnel soignant de la clinique (éducateurs, psychologues, kinés, ergothérapeutes…) y a été détaché pendant une partie de son temps de travail.

Un territoire intermédiaire

Des années durant, le Pré des Maclottes a accueilli aussi bien d’anciens patients de la clinique ou des patients en post-cure (suivis une ou deux fois par semaine) que des habitants du quartier, qui manquent cruellement d’espaces verts pour se détendre. “Cette cohabitation s’est faite de manière très harmonieuse”, poursuit Jean-François Pinchard. “Nous n’avons jamais eu le moindre problème de dégradation. Pour nos anciens patients, c’est une sorte de territoire intermédiaire, où ils peuvent retrouver des thérapeutes dans un cadre neutre, informel et sécurisant, nouer des relations entre eux ou avec d’autres citoyens, s’adonner à une occupation utile… Tout en cultivant le potager, on se confie, on s’entraide, on échange des ressources. Cela répond à un vrai besoin : certains font trois quarts d’heure en bus pour venir jusqu’ici !”

Avant la crise du coronavirus, le site servait donc surtout d’outil de réhabilitation avec d’anciens patients : “on se disait qu’on ne pouvait pas être au four et au moulin : s’occuper d’eux et en même temps travailler avec des patients encore en thérapie”. Le confinement a bouleversé tout cela, mais a aussi été une opportunité pour repenser la fonction du Pré des Maclottes. D’une part, en raison des règles sanitaires, il a fallu le fermer temporairement pour les visiteurs extérieurs. D’autre part, tous les patients hospitalisés se sont retrouvés enfermés dans l’établissement, sans possibilité de visite et avec des thérapies institutionnelles amoindries en raison du contexte, ce qui a été pour beaucoup une source supplémentaire d’anxiété. Mais au fond, s’est-on demandé, ne pourrait-on pas utiliser le Pré des Maclottes pour leur permettre de prendre l’air, dans le respect des règles de distanciation sociale ?

“Cela a vraiment été notre bouée de sauvetage”, déclare Martin Joassart, directeur général de l’hôpital. “Nous avons d’abord organisé des sorties en binômes (un patient et un thérapeute), puis à trois et ensuite en petite ‘bulles’, toujours en respectant les règles sanitaires. Mais le fait d’être à l’air limite beaucoup les risques de contamination. Et les effets sur les patients ont été incroyablement bénéfiques : en une semaine, les médecins ont dit à quel point ils les trouvaient changés, apaisés. On s’est alors rendu compte que le Pré des Maclottes pouvait aussi être utilisé comme outil thérapeutique dans les soins de première ligne, en complément des thérapies classiques. On avait une mine d’or, mais c’est la crise du coronavirus qui nous en a fait prendre conscience.”

Mixité sociale

Aujourd’hui, le terrain est à nouveau accessible aux anciens patients en réhabilitation. Nous y rencontrons entre autres Marc, Pierre et Lucas, qui y viennent régulièrement pour le plaisir de se retrouver et de travailler ensemble au potager. Jean-François Pinchard : “Nous accueillons divers publics – d’anciens patients, des patients de jour et des patients hospitalisés – mais à des moments différents, parce que les règles sanitaires ne leur permettent pas de se croiser. Ce n’est pas l’idéal, mais il faut se dire que, sans cet outil, ils risqueraient d’être entièrement délaissés. Et dès que la crise sanitaire sera passée, nous referons du Pré des Maclottes un lieu ouvert de mixité sociale.”

Ce ne sont pas les idées qui manquent pour le développer. Le projet est d’ailleurs soutenu par le Fonds pour des Soins solidaires, créé par la Fondation Roi Baudouin, car il répond parfaitement aux objectifs de ce Fonds : même en période de restriction des contacts, rétablir et maintenir des liens sociaux dans des conditions sûres pour les résidents d’établissements de soins. Le soutien de 50.000 euros permettra d’agrémenter le parcours de promenade en aménageant des boucles didactiques (avec divers espaces thématiques : bien-être, respiration, mindfullness, coin épices…) ainsi que des zones de repos et d’échange social et familial, avec terrasses et coins barbecue. L’asbl pourra aussi installer une grande serre afin d’y cultiver des légumes en toutes saisons.

À propos du Fonds pour des Soins solidaires

La Fondation Roi Baudouin a créé le Fonds pour des soins solidaires fin mars 2020, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus et la maladie du COVID-19. Les moyens financiers de ce Fonds proviennent de dons de particuliers et d’organisations. L’objectif est d’aider les établissements de soins résidentiels à garantir la continuité des soins et la qualité de vie en période d’épidémie, et de veiller à ce qu’ils disposent des moyens nécessaires pour gérer les épidémies avec souplesse.

À la suite de deux appels à projets, le Fonds pour des Soins solidaires a alloué 1,85 million d’euros à 69 projets visant à favoriser les contacts sociaux et améliorer la prévention et le contrôle des infections. Le projet de la clinique neuropsychiatrique Notre-Dame des Anges est l’un d’eux.